Evidemment qu'il avait entendu parlé de l'énième frasque de Violette. L'Intendant avait profondément soupiré lorsque la petite Angora était venu lui rapporté la situation dans une excitation certaine. La jeune fille manquait rarement les entraînements des combattants, et particulièrement celui de Violette. Cette fois-ci le spectacle avait été au rendez-vous. Heureusement  sa mère l'avait rapidement rappelé à l'ordre. Il n'eu qu'à lever la tête pour apercevoir entre deux tentes en préparation pour voir les deux hommes en question inaugurer l'infirmerie.

Aussi n'avait-il pas été surpris d'entendre les pas de Violette arriver à sa tente. Elle avait toujours le même pas, de joie comme de colère, ses pieds semblaient s'enfoncer lourdement dans le sol. L'Intendant termine de compter la colonne de chiffre et le résultat ne semble pas lui plaire. Encore moins les premiers mots de Violette. Sa plume au bout des doigts s'agitent et c'est seulement lorsque sa pointe se plante dans un point final qu'il porte enfin son regard sur elle. « Ça me semble pourtant évident, non ? » Il la poussait toujours à trouver la conclusion elle-même, pour l'inciter à sortir de son entêtement qui la caractérisait tant. Il passe outre ses blessures, il y a bien longtemps que le sir avait arrêté de s'inquiéter dès qu'il la voyait revenir avec un peu de boue et de sang sur le visage. Autrement, son cœur n'aurait jamais tenu jusque-là. « J'espère que tu ne les a pas trop amoché. On a besoin de tout le monde en ce moment. Je n'arrête pas de dire que Tollen n'est pas une forêt champêtre. » L'installation d'un nouveau camp plus permanant était toujours un sacré chantier qui donnait de très lourdes et longues journées à l'Intendant, comme en témoignait l'état de son bureau. Pendant que l'encre séchait sur un de ses livres, il était déjà penché sur un deuxième. « Ca vaut aussi pour toi. » Il s'arrête alors que son regard se lève vers elle. Tollen était un grand territoire et Hasan ne tarderait pas à envoyer plusieurs équipes couvrir le terrain. Ce n'était pas le moment de se mettre à compter les soldats valides ou non. Le retraite traumatique de Aaron était déjà un frein, il n'avait pas besoin qu'elle sabote leur force de l'intérieur en plus.

En posant son regard sur Violette, il sait avant même qu'elle ouvre la bouche qu'elle s'apprête à exploser. Si elle ne partait pas comme une furie, c'était qu'elle préférait s'exprimer d'abord. Or Elliott ne s'attend pas à ce que l'explosion l'atteigne autant. Il reste fermement assise au fond de sa chaise et répond sèchement : « Ne ramène pas ta situation à Aaron. Il est en peine quand toi tu justifies tes excès de violence par le moindre pas de travers du malheureux qui croise ta chemin. » Son ton ne dépasse pas d'une note mais son élocution est dure, excédé. Il avait accordé toute sa patience à son fils, pas plus tard que ce matin alors qu'il tentait une énième fois de le raisonner. La conversation n'avait pas durée et l'Intendant n'avait pas insisté, appelé par ses devoirs.  Alors que Violette s'attaque soudainement à la souffrance d'Aaron (que de moins en moins de mercenaire semblaient respecter au sein du Camp) et remettre en cause d'un même souffle son amour pour elle, c'était la crise de trop. «  Si tu voudrais qu'on arrête de te traiter comme une enfant il serait temps que tu cesses d'en être une, Violette. » C'est le mot de trop et l'Intendant s'en rend compte trop tard. Il n'a même pas le temps de bondir de sa chaise que Violette lui échappe déjà, le laissant seul avec le regret de ses paroles. Chaque nouvelle épreuve du deuil, chaque nouveau contrat l'épuisait plus qu'il voulait le reconnaître. Jamais il n'aurait laissé une situation pareille lui échapper. C'est bien pour cela qu'il était devenu son garant, son père sans en mettre le mot dessus. Il venait d'échoué à ce rôle.

[...] Murmure était la meilleure personne à qui Elliott pouvait demander où était Violette. Non seulement parce qu'il était le rare proche qu'il lui connaissait mais aussi parce que le maître d'arme lui pointerait simplement du doigt l'endroit, sans poser de question ou faire de commentaire, faute de pouvoir en faire. A peine avait-il fait un pas hors de sa tente qu'on avait commencé à l'interpellé. Il avait renvoyé tout le monde vers le Lieutenant, que celui-ci prenne ses responsabilités. C'est un bol et un épais tissu emprunter à l'infirmerie qu'il passe les premières rangées d'arbre du Tollen. Une semaine qu'ils étaient arrivés et c'était sûrement la première fois qu'il entrait réellement dans la forêt. C'était la direction qu'avait pointé Murmure mais il n'était même pas certain d'y trouver Violette. On lui avait toujours dit qu'elle était dure à trouver dès que la nature offrait un peu de hauteur. Tollen allait être son terrain de jeu. Après une centaine de mètre dans la forêt, il s'arrête en renonçant à se montrer plus malin qu'elle. « Violette je suis désolé, » qu'il déclare assez fort pour que sa voix porte, peu importe l'endroit où elle se cachait. « Je suis désolé et je veux que tu saches que tu n'as pas besoin de porter mon nom pour être ma fille. » Il soupire. Il n'avait ni eu le courage de lui dire plus tôt, ni de le dire avec autant de voix que sa première excuse. Peut-être devrait-il plus souvent s'aventurer hors du camp si ça lui permettait d'être plus sincère. Dans un dernier regard autour de lui, il finit par s'asseoir sur le tronc d'un arbre mort. S'il ne la trouvait pas, il aurait moins pris cinq minutes pour se vider l'esprit.