Drathir revenait de la chasse, en compagnie de quelques autres mercenaires tant il était bien trop dangereux dans l’immédiat encore de s’éloigner seul du campement. La forêt devait grouiller d’animaux corrompus et l’on ne plaisantait donc pas avec la sécurité tant que des explorations poussées (et un ménage de qualité) n’avaient pas encore été réalisées. Deux lapins accrochés de part et d’autres de sa ceinture, ils étaient encore un peu trop éloignés du camp à son goût lorsqu’ils passèrent finalement près d’un arbre, ce dernier attirant l’attention de l’éclaireuse de par les mouvements qui semblaient en agiter le feuillage. Instinctivement, elle encochera une flèche et bandera son arc en direction du sommet, imaginant un quelconque oiseau de bonne taille jusqu’à ce qu’une voix féminine parfaitement reconnaissable ne se manifeste pour faire savoir qu’il ne s’agissait nullement d’un animal à abattre. Soupir au bord des lèvres en reconnaissant Violette, la blonde abaissera son arme puis rangera sa flèche avant de signaler à ses compagnons du moment qu’ils n’avaient qu’à rentrer, surtout chargés comme ils étaient d’une biche de bonne taille qui leur ferait office de repas pour le soir même. Des collets et divers pièges avaient également été placés dans la forêt, histoire de leur éviter d’être continuellement actif dans la chasse dans l’espoir de se nourrir. Ils pourraient toujours envoyer quelques guignols les relever à l’occasion. En tous les cas, Drathir attendra qu’ils se soient suffisamment éloignés pour relever les yeux en direction de l’arbre, duquel elle peinait toujours à franchement déceler la silhouette de sa camarade. Il faut dire que la forêt était épaisse et les branchages l’étaient donc tout autant, ce qui avait rapidement permis à l’éclaireuse de comprendre comme des embuscades seraient aisément terribles à vivre dans les environs. Fort heureusement, nul humain n’était censé vivre dans le coin, pas vrai ? Et si brigands il devait y avoir malgré tout, la présence actuelle de la Compagnie les dissuaderait sûrement de jouer aux cons. « T’es toute seule. Et loin du camp. Relèvera alors à voix haute la chasseuse du jour, pointe de reproche doucement blasé au fond de la voix. Elle n’était pas la mère de Violette, certainement pas, mais malgré que celle-ci soit bel et bien devenue une femme, Drathir songeait encore beaucoup en la voyant à cette gosse qu’elle avait dû aider dans les montagnes à peine partie de son village natal. D’autant plus qu’à l’époque déjà, elle n’aurait clairement pas parié sur la survie de la gamine à moins que celle-ci soit restée dans le hameau où elle avait été soignée, et encore. Même un enfant n’était pas toujours bien accueilli sur le long terme sur des terres qui n’étaient pas les siennes. Mais la gamine avait survécu, grandi, s’était visiblement enrôlée tôt dans la Compagnie et, à défaut d’être plus raisonnable, elle avait appris à être efficace dans sa violence. Cela ne changeait rien au fait qu’elle était trop éloignée du campement et que seule, cela restait foutrement dangereux. J’me suis peut-être pas assez plaint de cette forêt et de ses dangers sur la route. » Ironisera-t-elle pour en rajouter, tant l’ensemble des mercenaires avait pu l’entendre se plaindre au moins une fois de ce foutu contrat.

La voix de Violette avait d’autant plus été reconnaissable que, dans un semblant de panique, celle-ci aura laissé filtrer son nom pour lui intimer d’abaisser son arc, de quoi au moins la rassurer quant au fait qu’il s’agissait bien d’un allié dans les arbres. Soupirant doucement tout en s’exécutant et en rangeant la flèche précédemment encochée, Drathir expliquera simplement à ses compagnons de chasse qu’ils n’avaient qu’à rentrer, surtout chargés comme ils étaient, tandis qu’elle restait avec l’insolente qui lui inspirait toujours beaucoup plus de sympathie que prévu. Haussant un sourcil faussement désapprobateur face à la répartie taquine de sa vis-à-vis, un air plus sérieux et un peu plus las également prendra le relais sur ses traits face à la question de Violette concernant sa peur. Elle n’aimait pas franchement le terme, il fallait dire ce qui est, tant son ego aimait croire qu’elle n’était pas si terrifiée que ça ou, à tout le moins, que c’était légitime et que tout le monde devrait être dans le même état qu’elle. Néanmoins, la jeune femme avait pointé du doigt ce qui posait justement tant problème dans les environs : les fameuses ruines. Cela semblait banal pour beaucoup de gens, à commencer par ceux qui n’en avaient probablement jamais vu de leurs vies, mais ça ne l’était définitivement pas pour l’ancienne chasseuse d’artefacts qu’elle était. « Des ruines inexplorées. On a tendance à oublier que les premiers à y mettre les pieds sont ceux qui crèveront en masse. Car la puissance qui y demeurait avait corrompu beaucoup dans les alentours et que personne encore n’était venu faire le ménage ou amoindrir les dangers qui résidaient dans les parages. Un fin grognement viendra faire vibrer la gorge de la chasseuse dans la foulée. Et c’est pas ces fichus archéologues ou historiens qui sauront se montrer utiles. » Car si la blonde n’appréciait plus franchement les runes et encore moins les alchimistes, ces derniers avaient au moins le mérite de savoir (en théorie) de quoi ils parlaient. Ils pouvaient être en mesure de comprendre les dangers propres aux ruines, là où les scientifiques de Villevieille (malgré la sympathie qu’elle pouvait leur vouer de base) se feraient franchement aveugles à tout ceci. Qui plus est, du peu qu’elle avait pu voir de leurs récents invités, elle n’était pas sûre de beaucoup apprécier ces gens de lettres. Bordel. Faut croire qu’au fond, elle n’aimait pas réellement grand monde.

Elle appréciait toutefois son interlocutrice du moment, de quoi la pousser à être brièvement surprise par la nouvelle question formulée à son égard avant qu’un sentiment plus agréable ne vienne se lover quelque part à la simple idée de pouvoir converser plus simplement avec la jeune femme qu’elle ne le faisait avec les autres parfois. Certes, Violette s’était un peu trop éloignée du camp à son goût et certes elle semblait ne pas avoir franchement peur des environs (ce qui était un bien autant qu’un mal) mais Drathir n’était pas sa mère et, surtout, elle se doutait comme la lutteuse était déjà régulièrement grondée par tout un tas de gens. Inutile de faire partie du lot pour pas grand-chose. « Installée comme toi ? Ça me semble bancal. Taquinera-t-elle dans un premier temps en jaugeant la branche sur laquelle s’était installée sa vis-à-vis, bien plus solide et stable que ce qu’elle tentait de faire croire. Puis elle répondra plus franchement à la question, dans un vague haussement d’épaules. Si j’avais voulu de cette vie, je serais pas partie de chez moi. Résumera-t-elle. Les gens se posaient parfois des questions à son sujet, en grande partie parce qu’elle ne cachait pratiquement rien de sa vie. Son passé de chasseuse d’artefacts était connu, de même que ses origines et jamais nulle rancœur ne faisait trembler sa voix lorsqu’elle évoquait ses terres natales, au point que l’on se demandait pourquoi diable elle en était partie justement. Il manquait indéniablement une pièce au puzzle et celle-ci, elle ne l’offrait pour l’heure à personne. Plongée dans ses pensées le temps d’une seconde ou deux, le nez au vent comme un fin limier, Drathir finira par revenir sur Terre et s’approchera un peu plus de l’arbre qui accueillait sa camarade, tête dressée vers elle pour cela (encore que cela finirait par vite l’agacer, ce torticolis). Pourquoi t’es là ? Tu voulais la paix pour pas faire de conneries ou parce que t’en as déjà fait ? » Ironisera-t-elle une fois de plus, sourire au coin des lèvres.

« J’aime pas les gens. Sifflera-t-elle dans un plissement d’yeux et les bras soudainement croisés contre la poitrine, comme pour mettre toutes les chances de son côté vis-à-vis d’une telle affirmation. Elle aimait le croire en tout cas, se réfugier derrière une vie menée en solitaire (tout en niant qu’elle ne l’aura pas été tant que ça finalement), se cacher derrière ses grognements, mises en gardes et menaces. Elle préférait clairement qu’on la pense insensible, juste bonne à se moquer de ses pairs et certainement pas de tenir à eux. Parce qu’on ne perdait pas son temps à trahir une personne qui semblait ne pas réellement vous aimer ou vous faire confiance de toute façon, ou à tout le moins, si elle faisait bien semblant, peut-être que cela l’impacterait moins. En tous les cas, si elle tentait avant tout de rendre crédible un mensonge, il ne s’agissait malgré tout que de vérité concernant la troupe d’archéologues, historiens et autres savants à la noix qui les avaient rejoints. Elle ne les aimait pas vraiment pas et elle doutait que l’inverse soit différent de toute façon. La mauvaise humeur relative de la blonde volera en tout cas en éclats suite aux échanges avec Violette, surtout en entendant celle-ci affirmer qu’elle aimait le fait d’être posée tranquillement, quand bien même cela sonnait paradoxal avec son départ de chez elle. Léger sourire aux lèvres, Drathir ne demandera rien malgré tout quant aux raisons du départ de sa vis-à-vis de son foyer, surtout pour simplement partir en quête d’une forme de stabilité ailleurs. Parce que tu sais te poser ? » Relèvera-t-elle en pure taquinerie, enchaînant rapidement en lui demandant la raison de sa présence, aussi loin du camp (d’après elle). Il n’y avait que deux raisons pour justifier l’éloignement de Violette : soit elle voulait la paix pour éviter de faire des conneries, soit elle la voulait parce qu’elle en avait déjà fait.

Ne s’offusquant pas du silence qui suivra, les prunelles de l’éclaireuse ayant capté les mouvements prudents de sa camarade lors de sa descente, un fin gloussement lui échappera lorsqu’elle obtiendra la réponse à sa question, le tout dans un soupir résigné qui l’amusait tout autant que l’aveu en lui-même. « T’es intenable. Remarquera-t-elle simplement dans un sourire en coin, nullement dérangée par la propension de l’archère à mettre le boxon dans les rangs. A dire vrai, tant qu’elle n’était pas directement impliquée, cela constituait simplement un spectacle odieusement amusant à ses yeux. Sauf que cette fois, comme un coup du sort, elle sera impliquée. Salement, impliquée. J'saute, attrape-moi. Trois, deux, un... Les premiers mots firent froncer les sourcils à la blonde avant qu’elle n’écarquille les yeux au lancement du décompte. Tu te fous de moi ? T’as grimpé dans cet arbre tu vas en… Redescendre, qu’elle aurait voulu dire. Et c’est définitivement ce que fera Violette, le tout en l’ayant prévenu qui plus est mais la blonde aura passé tellement de temps à se plaindre et à tenter de rendre l’idée intolérable au point de vouloir dissuader la jeune femme de se prête à l’exercice qu’elle sera tout bonnement incapable de la récupérer le moment venu. Pris au dépourvu, la prévention de Violette lui permettra au moins de la réceptionner vaguement dans ses bras (très vaguement) mais certainement pas de se préparer au choc que cela incarnait. Drathir basculera à la renverse dans un oof d’effort particulièrement sonore, suivi d’un odieux juron qui le sera encore plus lorsque son dos rencontrera le sol et sa poitrine le poids de Violette dans la foulée. Putain, sa mère l’engeance ! Je vais te buter Violette ! Je vais t’attacher par la jambe à mon cheval et je vais le faire te traîner jusqu’à Francfief ! Jure-t-elle avec véhémence, une main cherchant à crocheter avec ferveur la jambe de sa camarade et l’autre partant dans son dos pour constater les dégâts. Bordel. Elle vieillissait bon sang. Faire moins pire, c’est ça ? » Sifflera-t-elle en braquant son regard sur sa tortionnaire du moment.